Chronique du lundi 14 février – Les dégâts de l’amour
Hier, de guerre lasse, j’ai sorti ma machine à coudre. Plus de 10 jours qu’on attend la livraison de notre commande et je crains qu’elle ne soit pas prête d’arriver. Malgré tous les efforts déployés pour trouver un site suisse, nous n’avons pas été récompensées mais juste grugées. Sans indication préalable, la confirmation indiquait que le fournisseur CHINOIS avait expédié notre commande !!!
Stupeur et tremblement en imaginant notre petit paquet de 5 minuscules couvertures de protection naviguer en plein océan, perdu dans un container et faisant exploser notre bilan carbone. Et tout ça à cause de Luciano et de ses excès d’amour.
Luciano, souvenez-vous, est notre coq italien qui roule les RRRRR lorsqu’il lance fièrement son cocorrrrico. En passant, je vous informe que le deuxième coq « Lucette » a trouvé un poulailler de trente poules blanches et qu’il se porte bien.
Mais revenons à Luciano, un grand sentimental qui a ses préférences, ses favorites. Mais être favorite n’a pas que des avantages et comporte des risques car ces dames, toute comblées qu’elles soient, se retrouvent vite déplumées, la chaire à vif, le cœur à nu. La nature n’est pas toujours bien faite, ainsi, lorsque le coq fait son job de coq, il saute avec ses deux pattes, pleines de griffes, sur le dos de la poule qui ne fait pas la maligne, à genoux, écrasée par le double de son poids. Le coq, en équilibre précaire s’accroche comme il peut, dérape, griffe, pince de son bec la tête de Madame et fait la chose comme il peut. Heureusement, sa rapidité n’a pas d’égal, 2 à 3 secondes lui suffisent. Puis, systématiquement, la poule se secoue et perd ses plumes, entre autres.
En quelques semaines, la situation est devenue préoccupante, les deux favorites ont le dos nu, rouge et parfois ensanglanté. Ces dames n’ont plus d’allure mais cela ne calme en rien l’ardeur de Luciano. Nous devons trouver une solution. Un tour sur Internet et nous découvrons des selles de protection ! Encore aujourd’hui, je n’en reviens pas, c’est hallucinant, faut que vous alliez voir : Sur Google, tapez : « Poules selle protection », ça vaut le détour ! Certaines ont une petite corde pour que le coq puisse s’y agripper, d’autres ont des frous-frous, des dentelles. Il y en a pour tous les goûts des Sapiens, des roses, des bleus, des jaunes, des à fleurs, des en jeans. Après s’être pincées pour vérifier que nous étions toujours dans notre dimension galactique, nous optons pour un site « Suisse » qui offre moins de choix mais c’est local ! Tu parles, si on avait su ! Nous commandons 5 selles de protection ROSES ! (actuellement en transit sur l’océan !).
Dans l’intervalle, nous séparons nos deux harcelées passives du prédateur mâle, et les mettons en quarantaine, pour leur bien, c’est assez courant comme démarche aujourd’hui. Et toujours pour leur bien, elles sont privées de sortie, ce qu’elles ne semblent pas apprécier, comme tout le monde aujourd’hui. Pendant ce temps, Luciano se morfond et reçoit rebuffade sur rebuffade car toutes les poules ne sont pas d’accord d’accéder au titre de favorite.
Bref, cela ne pouvait durer, il fallait agir d’où ma soudaine passion pour la couture. Après étude approfondie du « patron », je me lance en sacrifiant les canons d’une vieille paire de jeans noir. Sur ma brave Elna 1962, héritée de maman, je fabrique deux sortes de petites capes avec bretelles élastiques. Le résultat me comble de joie, j’hésite à les présenter à la Fashion Week de Milan qui commence tout soudain, mais restons concentrées, le but ultime est de protéger leur dos et favoriser ainsi la repousse des plumes.
Reste à enfiler à nos deux chauves leur costume de Wonder Chicken. Mission nocturne obligée, l’essayage a nécessité quelques retouches urgentes comme raccourcir les élastiques effectuées tant bien que mal. Puis retour dans l’équipe, fin de la quarantaine.
A ce stade, j’ai tout de même eu un doute ! N’aurait-on pas franchi une limite ? Ne serait-ce pas de l’acharnement thérapeutique ?
Réponse le lendemain. Et bien ? Rien ! Elles sortent toutes en trombe, comme d’habitude et comme d’habitude se frayent le meilleur chemin vers l’auge. Pas de réaction des autres, ni du coq. Mon chef-d’œuvre ne suscite aucune réaction !
Mon égo est un peu touché mais je suis tout de même rassurée car il arrive que les autres poules n’aiment pas du tout ces déguisements et les interprètent comme une maladie étrange. Elles s’attaquent alors aux infortunées et là vaudrait mieux ajouter un petit casque à leur panoplie (je vous jure, les petits casques pour poules, ça existe aussi ! Tapez Google……., hallucinant !).
Bref, cela n’arrange pas du tout la chute de mon histoire, car tout se passe bien. Enfin, presque. Luciano semble garder encore ses distances, mais peut-être que ce grand romantique sera plus stimulé lorsque les selles ROSES fluo arriveront de Chine !
Affaire à suivre …
Evelyne Sottas
©Evelyne Sottas