Chronique du lundi 16/01/2023 Vanitas vanitatum et omnia vanitas
Je pensais être à l’abri mais j’étais dans l’erreur et aucun signe précurseur pour me mettre en alerte. Pourtant, il a suffi d’un rien pour
que j’y succombe, corps et âme. Vanité des vanités, tout est vanité. Me voilà dans de beaux draps ! Pensez à moi le 6 mai prochain, date où
certainement, je payerai l’addition.
C’était fin novembre. Après une demi-douzaine de refus, j’avais dit oui, de guerre lasse après deux ans de résistance. Elle me l’avait présenté
comme un petit concours interne, rien de méchant, nous serons entre nous ! Comment aurais-je pu imaginer ce qui allait m’arriver. Un
concours de danse country rassemblant notre club de Rue et celui d’Echallens. Ah, il y a ceux d’Echallens aussi ! Innocente que je suis,
elle s’était bien gardée de me l’indiquer. Je déteste les concours, la compétition, je déteste cette pression qui heureusement ne s’exerce pas
sur tous les sujets mais tous ceux qui font appel, disons, à mon enfant magique, merveilleux mais vulnérable. Je ne vous dis pas l’état dans
lequel j’ai passé les quelques auditions de piano auxquels j’ai dû participer. A certains moments, je me dédoublais et voyais mes doigts
parcourir le clavier sans faute mais mus par je ne sais quel mécanisme diabolique tel un automate, jusqu’au moment où cela m’effrayait
tellement que tout s’arrêtait et que je ne savais même plus où j’en étais. Honte et frustration. Que ce soit à dix-huit ans ou à soixante,
rien n’a changé, je meurs à chaque fois. C’est insupportable ! Bien que pour le piano, je commence à me décontracter, ça va beaucoup mieux, mais c’est une autre histoire…
Revenons à la danse. Jour J, rendez-vous à 08h30. Je n’ai pas reçu ni chercher à recevoir toutes les infos. J’ai déjà la boule au ventre.
J’essaye de me rassurer auprès de mes camarades. Ils sont sympas et me donnent tous les trucs. Trucs que je connais déjà et qui sont
complétement inefficaces. « Tu ne risques rien, ce n’est pas tragique si tu loupes, cela ne va rien changer dans ta vie, prends du plaisir ». Ah,
ah, qu’est-ce que vous en savez-vous, si je ne risque rien ! Je risque tout, bien au contraire, et comment prendre du plaisir dans ces
conditions. Bref, je n’en mène pas large mais j’essaie de respirer. Finalement, le temps aura raison de mes craintes, je n’en peux plus
d’attendre mon passage. Je n’ai compris que très tard que 08h30 n’avait pour but que d’assister à toutes les représentations effectuées par mes petits camarades. Je n’ai passé pour le 1er round qu’à 15h00, j’étais vidée et avais hâte d’en finir. Juste avant d’entrer en scène, mon
prof (il y a elle, et il y a il) me dit : « Danse comme tu le fais à l’entrainement, quand tu te lâches et que tu t’amuses ».
Vraiment ? Parce que lorsque je m’amuse, ça déménage ! Souvent, je fais rire mes voisins, alors j’en rajoute encore ! Ouais, m’amuser, je sais faire, sur ce point, mon enfant intérieur est vraiment magique ! Alors, crevée avant d’avoir commencé, je l’ai pris par la main, à moins que ce soit lui, et on y est allé. Trois danses, entrecoupées de 5-6 minutes où un autre groupe effectue ses propres danses. Nous sommes un grand groupe, huit candidats/tes, trois juges, je me dis qu’avec un peu de chance, ils ne feront pas attention à moi. Alors je danse, je m’amuse et cela se passe plutôt bien. à la fin, je suis toute contente, j’ai dansé aussi bien que possible. Je suis soulagée. C’est plus tard à la remise des
prix que tout s’est gâté. Mon groupe est annoncé, ils commencent par la huitième et le compte à rebours commence, et pas d’Evelyne, je me dis qu’ils m’ont effectivement oublié. Puis arrive : « A la première place : Evelyne Sottas » ! Coup de tonnerre, incroyable ! Je n’arrive pas à y croire, je suis première de mon groupe ! Je crois bien que c’est la première fois de ma vie que je fais première à quelque chose ! Quelle
surprise ! Quel bonheur, je ris, mon enfant magique se bidonne, trop content. Oui mais voilà ! Le piège est devant moi et encore pleine
d’euphorie et de fierté, j’y saute à pieds joints. Encore au paradis de la félicité, j’organise un joli apéro au cours suivant, c’est chose
commune dans ce club. Alors que jusque-là je gardais plutôt mes distances avec un bon nombre des danseurs/euses me voilà assise sur le
capot arrière d’une décapotable parcourant à l’allure du pas la 5ème avenue de New York, applaudie et presque asphyxiée sous la tempête de confettis. J’exagère à peine ! Je ne me voyais pas, mais je SUIS en haut de l’affiche ! Me voilà gonflée à bloc ! Mon égo grossit comme une baudruche. Depuis lors, dès que je pénètre dans la salle, j’entends les Queen : I am the champion. C’est vraiment grave et pathétique !
Je suis devenue quelqu’un de remarquable ! On m’a même encore donné une récompense en fin d’année pour bien marquer l’évènement ! Comme s’il fallait ajouter l’orgueil à la vanité ! Je suis mal barrée ! La limite est si étroite entre fierté et orgueil, entre fierté et vanité, à en
donner le vertige ! Les humains ne sont que des nigauds ! Idiote je suis, et vous ne savez pas encore à quel point. Dès l’apéro
de la victoire, les trompettes de Jéricho ont retenti à mes oreilles, faisant s’écrouler les murs de la raison et de l’humilité. Mes petits
camarades ont fait briller les paillettes du succès en haussant la barre au niveau national, rien que ça. Mais depuis ma victoire, même Hubris et son syndrome ne me font pas peur. Alors, c’est officiel, je l’ai fait, je suis inscrite aux championnats suisses de danse country le 6 mai prochain. Évidemment, je vais concourir dans ma catégorie, la plus basse, soit STARTER, mais bon, championnats suisses tout de même ! Vous voyez où j’en suis ! Je suis dans une panade noire, pour danser ce n’est pas optimum. Tout ça à cause d’un enivrant instant de gloire, me voilà embrigadé dans un méga stress….. à moins que ? HELP ! HELP ! Enfant magique, enfant magique, es-tu là ? Tu viens ? On va s’amuser…Bonne semaine à tous et toutes.
Evelyne Sottas
©Evelyne Sottas