Chronique du lundi 31 juillet 2023 – Spécial 1er août : Vive la patrie ! …
Je n’ai peur de rien et ma mission de ce 1er août est de vous aider à chanter notre hymne national avec un semblant de ferveur…sacré défi.
Une certitude, l’hymne national suisse est le plus ennuyeux du monde. Même les Suisses ne le supportent pas, ne connaissent que les deux premières phrases puis s’endorment à la troisième, sauf peut-être les Suisses allemands.
Non mais qui a donc composé ce texte et cette musique ? Je vous cafte leurs noms : Leonhard Widmer, joyeux luron (c’est de la satire) et poète à ses heures a envoyé son texte à un pote déjanté et moine cistercien Alberik Zwyssig. Après avoir fumé un joint, Alberik a concocté cette musique psychédélique à ne pas mettre dans des oreilles innocentes. En effet, le risque est grand de faire décoller l’auditeur dans une jouissance extatique pour un voyage mystique dont le retour n’est pas garanti.
Plus sérieusement. Comment voulez-vous gagner au foot lorsque les joueurs entendent ça comme mise en jambe ! D’ailleurs par prudence, très peu le chantent, trop dangereux pour les muscles qui flageolent dès les premières notes.
Mais pas le choix, le 1er août, il faut chanter. Ainsi après étude approfondie des paroles, je suis en mesure de vous livrer mon truc : Le seul endroit où l’on peut chanter avec cœur et ferveur l’hymne national se situe en montagne. Toute la symbolique de la Suisse est condensée sur les cimes des Alpes et Préalpes, à coup sûr l’inspiration de Leonhard vient de là.
Donc 1ère règle : trouvez une montagne, non, mieux, votre montagne. Pas besoin d’aller sur le Cervin, au contraire, une modeste montagne est bien plus adéquate pour se recueillir car c’est bien de cela qu’il s’agit, se recueillir. Arrêtons de tourner autour du pot, je suis gruérienne et évidemment le Moléson, y a pas mieux pour chanter l’hymne national. Donc pour chanter l’hymne national, allez au sommet du Moléson, c’est dit.
2ème règle : Arrêtez de vous croire tout puissant, indépendants, libres, importants et intelligents. Munis d’autant de carapaces, jamais vous n’entrerez dans le royaume de la patrie Helvétique. Si vous vous sentez d’humeur belliqueuse, passez votre chemin, demandez la nationalité française et chantez la Marseillaise.
3ème règle : Faites une heure de méditation en répétant, je suis insignifiant mais mon cœur est vaste et dans Ta grande bonté, Dis une seule parole et je serai guérie. Respirez un bon coup et devenez humble. L’humilité est la porte d’entrée pour chanter cet hymne (j’allais dire ce cantique, mais je suis bête, c’est vraiment son nom ! « Le Cantique Suisse », ah tout s’explique, je pourrais stopper ici ma chronique), je sais c’est difficile, l’humilité est devenue un état d’être complètement subversif.
Maintenant, vous êtes prêts à chanter et à accueillir ce texte :
Sur nos monts, quand le soleil – vous voilà tranquille au sommet du Moléson
Annonce un brillant réveil, – mais comme c’est beau !!!
Et prédit d’un plus beau jour le retour, – là chut larguée, le retour de quoi ? Ah ! du soleil, tordue cette phrase
Les beautés de la patrie – Ah, le voilà le mot magique, la patrie, c’est la vôtre et crénom, avec un tel paysage, tes poils commencent à se dresser
Parlent à l’âme attendrie ; – oh oui, me voilà toute émue, c’est tellement beau ce Moléson !
Au ciel montent plus joyeux
Au ciel montent plus joyeux – 2x c’est là qu’on voit que Leonhard aussi fumait la moquette.
Les accents d’un cœur pieux, – pieux ce n’est pas pieu, même si déjà vous avez envie de dormir !
Les accents émus d’un cœur pieux. – Vous comprenez pourquoi l’humilité est la clé ? Fermez les yeux et ressentez cette humilité, c’est une expérience incroyable !
2ème Strophe
Lorsqu’un doux rayon du soir
Joue encore dans le bois noir, – Admirez l’antithèse qui crée aussitôt ce frisson
Le cœur se sent plus heureux près de Dieu. – calmé par la protection divine
Loin des vains bruits de la plaine, – La montagne est magique, l’œil s’ouvre : Tout est vain sauf la bonté[1]
L’âme en paix est plus sereine, – respirez, ici l’air est si léger
Au ciel montent plus joyeux – qu’il est facile de s’élever encore
Au ciel montent plus joyeux – là, faut presque commencer à se lester si l’on veut rester sur terre
Les accents d’un cœur pieux, – pieux, je précise = synonymes : religieux, croyant, dévot, en voie d’extinction
Les accents émus d’un cœur pieux.
3ème Strophe
Lorsque dans la sombre nuit – Ah là ça se gâte, voyons si votre ferveur va vous sauver
La foudre éclate avec bruit,
Notre cœur pressent encore le Dieu fort ; – euh t’est sûr que Dieu est de notre côté ?
Dans l’orage et la détresse
Il est notre forteresse ; – C’est l’histoire des 3 petits cochons, plus votre foi est grande, plus les murs de votre maison sont épais et les serrures solides. Cette 3ème strophe est catastrophique, Dieu fort et forteresse ! La foi ça devrait faire l’effet inverse, non ? Légèreté, ouverture, doute, humilité ?
Offrons-lui des cœurs pieux :
Offrons-lui des cœurs pieux : – offrir avec cœur, c’est bien. Avec piété ou non, m’est égal
Dieu nous bénira des cieux, – et si Dieu nous bénit pour ça, ben s’il le veut, pourquoi pas.
Dieu nous bénira du haut des cieux.
4ème Strophe, je ne vous avais par prévenu mais c’est interminable !
Des grands monts vient le secours ; – Ah, voilà la morale de l’histoire : Le Salut vient des montagnes, le Moléson te sauveras, en cela tu peux garder espoir
Suisse, espère en Dieu toujours ! –, car rien n’aide mieux, pour comprendre moi et les autres, que de prendre de la hauteur.
Garde la foi des aïeux, Vis comme eux ! – n’oublie pas tes vieux et écoute-les mais non, ne vis pas comme eux, à voir le résultat, ils ne sont pas irréprochables.
Sur l’autel de la patrie – Quand on parle d’autel, en général ça finit mal, je crains le pire
Mets tes biens, ton cœur, ta vie ! – Ah, ta vie tout de même sur l’autel mais au moins, il n’est pas demandé de tuer pour sa patrie, seulement de mourir, une vision bien christique de l’affaire !
C’est le trésor précieux – Faut bien le reconnaître, globalement tu as de la chance d’être né-e en Suisse
C’est le trésor précieux – même si tu dois supporter cet hymne national une fois par année
Que Dieu bénira des cieux, – cela te donne l’occasion de monter au Moléson
Que Dieu bénira du haut des cieux. – et là, quelle récompense !
A tout bien réfléchir, il n’a pas que des défauts cet hymne national. Aucune incitation à la haine, au contraire, une invitation au calme, à l’élévation de l’âme et à la sérénité. Et puis le Moléson y tient le 1er rôle ! (je touche des jetons de l’office du tourisme chaque fois que je place « Moléson », ma tirelire se gonfle 😉).
Évidemment, il y a beaucoup de bondieuseries mais si je n’y crois pas, je n’ai pas non plus l’obligation de me sentir agressée et de crier au loup, je peux juste passer par-dessus sans émoi, éviter la 3ème strophe et garder en tête les beautés de la patrie et la montée joyeuse des cœurs aux cieux. Chantez citoyens/ennes, et laissez monter en vous la reconnaissance de vivre dans ce si beau pays, et sentez le lien qui nous unis tous, nous habitants de la Suisse. C’est à cet instant que s’opère le miracle : vous aimez aussi les suisses allemands, au moins pendant la durée interminable de cet hymne ! Alors, chantez les amis !
[1] Tout est vain sauf la bonté = Alexandra David-Neel
Evelyne Sottas
©Evelyne Sottas