Chronique du lundi 6 avril 2020, Corona me voilà !
Vous qui croyez avoir déjà tout lu, tout compris sur le corona, restez avec moi car je n’ai pas peur d’ajouter à tout ce brouhaha une chronique de plus. Et confinés comme vous l’êtes, vous n’avez aucune excuse pour zapper cette édition.
Ce virus nous aura appris bien des choses. Par exemple la naissance d’une nouvelle sous-espèce au sein des omnivores. Nous connaissions les herbivores, les carnivores et maintenant les PQvores.
Toutefois, même si l’humour est un des meilleurs antidotes face à la morosité ambiante, les décès, la maladie qui rôde autour de nos foyers et la fatigue monumentale du personnel au front (soignants – vendeurs – postiers – chauffeurs-livreurs – etc..) prônent pour une certaine retenue du côté de la rigolade.
Alors sérieusement, je vous invite à prendre un peu de hauteur tout en restant les pieds sur terre. Ce virus est très utile car il a la faculté d’éclairer, de manière imparable, plusieurs aspects de notre société. Notamment l’extrême fragilité de notre monde globalisé, de notre système économique et, découlant de la même logique, du système de santé.
En vérité, je vous le dis, le virus le plus dangereux est pluriel et essaime notre système planétaire. Ils s’appellent : compétition, voracité, mondialisation et flux tendu (non je ne vais pas vous parler de mes bretelles).
Mondialisation : Le toujours plus de richesses (pour moi et merde pour les autres) ainsi que la compétition effrénée, a poussé les entreprises à délocaliser une partie de leur ligne de production en Chine ou ailleurs, là où l’être humain n’a pas beaucoup de valeur, afin de diminuer leurs coûts de production. On a vu à quel point, lorsque la Chine a un rhume, le monde entier éternue. Si l’on vous avait dit qu’en Suisse, haut lieu mondial de la pharmacologie, on n’était incapable de produire et de livrer des masques par nous-mêmes, l’auriez-vous cru ? De même, la fabrication de médicaments, tels ceux pour lutter contre le diabète, le cancer ou parkinson, dépend de la Chine où sont produites les molécules actives avant d’être finalisée en Suisse. Des multinationales comme Roche ou Novartis ainsi que les 253 autres industries pharmaceutiques de Suisse sont INCAPABLES de fournir à elles seules les médicaments ou les accessoires médicaux de protections. La pharma, soi-disant surpuissante, elle représente tout de même 1/3 des exportations totales de la Suisse, n’est qu’un colosse aux pieds d’argile comme tout le reste du tissu économique (industriel -machines-outils, branches automobile – électronique- et j’en passe) basé sur la même doctrine.
Flux tendu : De plus, depuis bien des années, le top de l’efficience est de supprimer les stocks. Avoir des stocks mobilisent les liquidités et augmentent les coûts, donc presque toutes les industries, les entreprises mais aussi des institutions travaillent à flux tendus. Le flux tendu fonctionne à merveille lorsque nous sommes dans une situation normale. Le flux tendu ne concerne pas seulement des ressources matérielles, mais il s’attaque aussi aux ressources humaines. Cela signifie qu’on rogne partout où il est possible de rogner. On met des robots là où cela est possible, on diminue au maximum le personnel, on informatise avec plus ou moins de succès, le matériel et les compétences sont regroupées pour pouvoir faire ce qu’on appelle des économies d’échelle. Par exemple le réseau fribourgeois des hôpitaux a été réorganisé : des services d’urgence, de radiologie (un seul endroit pour les scanner) de maternité ou de réadaptation cardiovasculaire ont été regroupés par site et selon les spécialités (la polyvalence et le multi-site n’existent plus). La conséquence du travail à flux tendu est l’augmentation de la dépendance à autrui (plus de stock) et à la normalité. On a très peu de marge de sécurité pour pallier les imprévus. Les imprévus sont exclus de cette logique, d’ailleurs, vous remarquerez qu’il n’y a aucun imprévu dans les beaux processus que nous ont fabriqué nos supers manageurs.
Cette logique économique dépasse l’entendement. Comment peut-on se croire aussi fort et solide, alors que le moindre grain de sable enraye toute la machine ? On avait constaté le même scénario (en moins pire) lors de l’irruption du volcan islandais Eyjafjöll.
Je ne vois qu’une seule réponse. Nous sommes dirigés par des fous et nous suivons comme des moutons aveugles.
Aveugles mais pas sourds, car on nous a suffisamment troué les oreilles avec des discours sur La Santé coûte de plus en plus cher, il faut diminuer les coûts de la santé….etc…
Alors, depuis plusieurs années, années après années, les budgets des hôpitaux sont diminués. En cinq ans en France, les budgets dédiés à la santé ont diminué de 1,5 milliard d’Euros. Le personnel soignant était d’ailleurs dans la rue en novembre dernier pour réclamer des moyens. Je n’ai pas les chiffres en Suisse, mais cela ne devrait pas être proportionnellement très différent. Le beau, tout neuf et superbe hôpital de Rennaz a tout de même réussi à offrir 100 lits A de moins pour la région alors que notre population augmente et vieillit. Mais de nouveau, le flux tendu opère : les patients ne restent plus à l’hôpital, lorsque le risque est acceptable (ce niveau de risque dépend selon qu’il est jaugé par un gestionnaire ou par un vrai médecin lié par le serment d’Hippocrate), les patients rentrent à la maison ou en foyer de réadaptation pour laisser la place à d’autres.
Dans ces conditions, pourquoi sommes-nous étonnés, sidérés devrais-je dire de la situation actuelle. Rien n’est dû au hasard ou à la fatalité.
Ce virus n’est pas rien ! Non, il est super contagieux et comme on n’avait encore jamais été présenté, il convenait d’être prudents. Certes. Mais les chiffres le montrent bien, ce n’est pas un virus tueur au sens strict du terme, du moins, pas comme on essaye de nous le faire croire (je développe après). Par contre, il se propage à toute vitesse et les personnes les plus faibles doivent être hospitalisées et c’est bien ici que le bât blesse !
Loin de moi l’idée de critiquer la politique de notre Conseil fédéral que je trouve des plus raisonnables possibles au vue des conditions. D’ailleurs, si vous avez écouté attentivement les déclarations de M. Berset, ce point a été clairement explicité : il faut ralentir la progression afin que les services d’urgence soit en mesure de prendre en charge les personnes nécessitant des soins aigus.
CQFD première évidence : Donc, ce n’est pas tant la dangerosité du virus qui est à mettre en avant mais bien la fragilité, la faiblesse de notre système de santé qu’on a délibérément, depuis plusieurs années, mis au même niveau de n’importe quelle entreprise du monde économique ultra libéral. L’hôpital ne doit pas être déficitaire, enfin le moins possible.
Ainsi, le monde de la Santé travaillant à flux tendu se retrouve bien dépourvu face à ce qui n’était pas prévu (réf à Jean de la Fontaine).
Evidemment, dans un monde ultra-libéral, on ne prévoit pas une pandémie, c’est bien trop rare et ce qui est rare coûte bien trop cher. Cela fait partie de la gestion des risques : Risques vs Bénéfices, on préfère les bénéfices immédiats plutôt qu’investir à fonds perdus.
Le virus : Ce virus n’est pas mortel en soi. S’il y a des exceptions, elles sont minimes. D’ailleurs, il faut remercier dame nature qui nous a envoyé un virus encore gentil et qui nous permet aujourd’hui de réfléchir à notre façon de fonctionner.
Par contre, il faut être en bonne santé pour le vaincre et ce n’est pas une mince affaire si j’en crois les témoignages de 2 cops qui sont passées par là.
La bonne santé est donc au cœur de la lutte.
Croire que nous sommes en bonne santé parce notre longévité bat tous les records est une erreur que le personnel des soins à domicile ne fera pas ni les proches aidants qui veillent sur le semainier rempli à bloc. Comme j’adore les statistiques, je suis allée fouiller sur le livret Santé, statistiques de poche 2019, édité chaque année par l’Office fédéral de la statistique (département de l’Intérieur DFI). Ce livret est une mine d’or d’informations mais je vais me restreindre à deux maladies si communes qu’on n’en parle pas à moins qu’un virus passe par là. L’hypertension et le diabète, maladies en augmentation dans notre pays comme dans le monde et les personnes atteintes font partie des personnes à risque. La part des personnes souffrant d’hypertension est passée de 14% à 18% entre 1992 et 2017. Celle ayant un taux de cholestérol trop élevé a augmenté de 9% en 2002 à 13% en 2017. Les personnes avec un bas niveau de formation (et donc avec des revenus modestes) ont deux fois plus de risque de souffrir du diabète (8% vs 4%) que celles avec une formation du niveau tertiaire (8% contre 4%). Mais attention, ceci est une moyenne. Tout devient plus parlant en observant les différences par tranches d’âge :
Hypertension 2017 : Hommes/femmes de plus de 75 ans : H 56% – F 57% des personnes souffrent d’hypertension. Plus de la moitié des vieux ont de l’hypertension ! A partir de 55 ans déjà, il y en a H 32% – F 22%.
Diabète 2017 : Hommes/femmes de plus de 75 ans : H 15% – F 10%. Dix ans auparavant, les taux étaient de respectivement de H 12% et F 8%. On devient de plus en plus malade.
Sachant que les personnes de plus de 65 ans ont souvent déjà une maladie chronique et qu’elles en ont très souvent 2 ou 3 à partir de 70 ans(1), on peut dire sans exagérer que OUI nous vivons longtemps mais grâce aux médicaments.
Et que NON, les vieux en particulier, ne sont pas en bonne santé et les plus jeunes ne le sont qu’en partie.
Révision :
Première évidence : Ce n’est pas tant la dangerosité du virus qui est à mettre en avant mais bien la fragilité, la faiblesse de notre système de santé.
Deuxième évidence : La longévité extraordinaire mais artificielle de notre population, notre mode de vie sédentaire, la malbouffe, l’industrie alimentaire responsable de l’obésité, diabète, allergies, l’agriculture intensive et l’ingestion de pesticides créent une population fragile et de plus en plus malade en particulier celle âgée.
Ainsi, le virus n’est pas mortel si vous êtes en bonne santé mais une grande partie de notre population ne l’est pas et meure.
Il convenait donc de protéger au mieux les plus faibles, sinon nous allions devoir enterrer tous nos aînés et d’autres plus jeunes mais pauvres qui ne peuvent se payer du bio et l’abonnement au fitness. J’aime à croire que M. Berset est un homme intelligent et de confiance car il a tout de même décidé de protéger les plus faibles en mettant en grand danger l’économie, créant ainsi le futur tsunami des problèmes sociaux qui vont débarquer à la suite du virus. Mais peut-être a-t-il juste eu la trouille, comme nous tous ? On ne savait pas grand-chose de ce virus et on n’était vraiment pas prêt. Maintenant, le Conseil fédéral s’est adjoint une task force de gens qui savent… ouf…
Quoiqu’il en soit, je pense qu’il a fait au mieux au vue des circonstances et des moyens du bord soit : peu de place dans les hôpitaux, une population vieillissante et polymorbide et pas de masque. Le mieux à faire était donc bien le confinement, non obligatoire mais fortement conseillé pour les plus de 65 ans. Et laisser, tant bien que mal, fonctionner l’économie même en mode escargot.
M. Berset ne nous a pas menti mais il n’a pas toujours dit toute la vérité. Informer les foules est un art périlleux.
L’histoire des masques, dès le 13 mars, le port des masques pour la population n’est pas utile, il a oublié d’ajouter parce qu’on n’en a pas assez et que vous n’en trouverez pas. Il ne pouvait pas tout de même dire une chose pareille ! Et ajouter de la peur à la panique ambiante !! Non, il ne pouvait pas, merci M. Berset.
Maintenant que nous avons reçu ou allons recevoir en quantité magistrale de ces fameux masques, déjà le discours change et nous entendons qu’ils redeviennent utiles car OUI vous allez pouvoir vous en procurer… Ouf….
La bonne santé est donc au cœur de la question. Notre santé mais aussi celle de la Terre car tout est dans tout et nous en faisons partie. Mais nous l’oublions et lorsque la lutte contre le virus sera terminée, il faudra reconstruire l’économie.
Repartirons-nous comme en quarante ? Allons-nous continuer à exterminer les écosystèmes (qui soit dit en passant est une des causes des zoonoses(2)), à polluer l’air jusqu’à nous en rendre malade, à contaminer l’eau, la déforestation aura-t-elle raison de l’Amazonie, le poumon de la terre ? Allons-nous continuer à produire une alimentation empoisonnée ? Aurons-nous appris que l’argent ne se mange pas et que nous avons besoin d’air pur et d’eau pour « juste » vivre ?
L’OMS estime qu’au niveau mondial, 1,3 million de personnes meurent chaque année en raison de la pollution de l’air des villes. Les habitants des villes où l’air est fortement pollué souffrent davantage de cardiopathies, de problèmes respiratoires et de cancer du poumon que ceux des villes où l’air est plus propre. Ajoutez à cela un petit virus qui s’attaque aux poumons et vous avez une pandémie mondiale. Mais ne vaudrait-il pas mieux s’attaquer aux vraies causes ?
Sources OFSP : En Suisse, pendant la saison de la grippe saisonnière de 2018 – 2019, du 30 sept au 20 avril, 209’200 personnes ont consulté pour la grippe. Nous avons à ce jour effectué 158’000 tests pour le corona et 21’652 cas de corona sont avérés au 6 avril 2020, soit un dixième (ce chiffre est certainement fortement sous-estimé car ceux en bonne santé n’ont pas tous ressenti de forts symptômes et n’ont pas été dépisté).
Chaque année en Suisse, 400 à 1’500 personnes décèdent de la suite d’une grippe saisonnière, mais comme pour le corona, elles meurent surtout des complications dues à une santé déjà péjorée par d’autres maladies chroniques. A ce jour, le corona a tué 584 personnes. On a de la peine à le croire et pourtant ce sont les chiffres tout à fait officiels.
Selon l’OMS : Chaque année entre 3 et 5 millions de cas graves sont dénombrés et entre 250’000 et 500’000 décès sont dus à la grippe saisonnière.
A ce jour dans le monde, le corona virus a infecté 1’274’000 personnes et 69’000 personnes en sont mortes.
Donc, si vous êtes en bonne santé, inutile d’avoir si peur. Et si vous ne l’êtes pas, vous pouvez compter sur la population suisse qui a compris qu’elle devait respecter les consignes pour sauver les plus faibles. Enfin, c’est ce qu’ils auraient dû comprendre mais maintenant qu’on a foutu la trouille à tout le monde, y aura du boulot pour les remettre au boulot !…
Voilà une partie de l’état du monde à ce jour et à ma connaissance. Je dois vous avouer que cela ne me plait pas du tout et dès que nous pourrons ressortir, j’irai manifester pour faire entendre ma voix. Arrêtons de détruire tout ce qui nous entoure ! Putain réveillons-nous.
Allez, bon courage et prenez soin de vous et des autres !
[1] Rapport « Politique cantonale Vieillissement et Santé », version finale du 12 janvier 2012.
2) Zoonoses : maladies transmissibles de l’animal à l’homme
Evelyne Sottas
©Evelyne Sottas