Chronique du lundi 10 juillet 2023 – Sport et littérature…
Nous avions tellement envie de nous enfoncer dans les matelas moelleux d’herbe jaunie qui tapissent les plateaux du Puy-de-Dôme, nous y rouler et tout oublier, dans ce sanctuaire préservé des secousses et tracasseries du quotidien, où tout est régi par la paix, au milieu des vaches aux cornes fières et des fleurs sauvages, sous la surveillance bienveillante des volcans endormis, bibendums de lave ancestrale pleins de rondeurs et de douceurs.
Quelle beauté et alors que nous « funambulions » sur les crêtes du col de la Croix Saint-Robert, que nous traversions la Godivelle, à cheval entre les monts Dore et le Cézallier, nous étions escortés par les mots de Julien Gracq, qui, dans ses Carnets du grand chemin, écrivit à propos de ce massif : « Rarement je pense au Cézallier […] sans que s’ébauche en moi un mouvement très singulier qui donne corps à mon souvenir : sur ces hauts plateaux déployés où la pesanteur semble se réduire comme sur une mer de la lune, un vertige horizontal se déclenche en moi qui, comme l’autre à tomber, m’incite à y courir, à y rouler, à perte de vue, à perdre haleine. »
Il faut croire que le peloton tout entier fut lui aussi pris de ce « vertige » que l’air chaud des hauteurs exhalait un parfum aphrodisiaque qui mit d’entrée la ruche en excitation. Le début d’étape ressembla ainsi à un chantier d’excavations, les mini-pelleteuses à deux roues s’activaient dans tous les sens, dévoraient le bitume de leurs mécaniques dentées, dans un immense bazar, une furie ambulante au milieu d’un monde de tranquillité.
Signé : Alexandre Roos, journaliste à L’Equipe, extrait à propos de la 10ème étape du Tour de France 2023.
Sport et littérature ! Voici ce que l’on trouve dans L’Equipe, le quotidien sportif préféré d’Evelyne pendant les trois semaines sacrées du Tour de France. Avouez que çà vous en bouche un coin ! Et moi cela me fait une petite chronique toute faite, mes neurones étant en parfaite symbiose avec la plupart des coureurs du Tour à l’arrivée : cramés. Ou peut-être sous l’emprise de cette drogue qui me prend chaque mois de juillet où l’actualité du monde se rétrécit jusqu’à disparaître pour se focaliser sur les aventures de la petite reine mais dont l’adjectif est de trop, tant l’aventure est dantesque. Il faut avoir sué sang et eau devant son écran pour comprendre ces forçats de la route. Mais aussi avoir tremblé pour que le coureur échappé depuis 98km ne se fasse pas reprendre à 100 mètres de la ligne et pleuré parce que c’est ce qui lui est arrivé. Chaque épisode alors vous donne envie d’en reprendre un peu de cette drogue qui déferle dans le peuple et par le peuple. Où la foule, vagues après vagues, ondule sur le passage de cette chevauchée héroïque : sueur, souffrance, sacrifice de soi, endurance, courage, victoire, explosion de joie, soulagement, dépassement de soi, humilité, défaite, tristesse, douleur, chute. La course cycliste tel le Tour de France est le miroir de nos vies, les foules des bords de la chaussée l’ont bien compris, cette épopée parle à leurs tripes pendant que les journalistes de talent réécrivent l’histoire et par la magie de leurs mots nous catapulte au septième ciel dans un état d’émerveillement intense. Aujourd’hui 12 juillet, j’ai encore 11 doses à prendre, junkie jusqu’au bout.
Bel été à vous tous et toutes.
Evelyne Sottas
©Evelyne Sottas