Chronique du lundi 25 juillet 2022: La méchanceté est féminine
Faites-moi penser à déménager d’ici quatre à six ans car le quartier ne sera vraiment plus sûr. J’ai une voisine dangereuse et l’ai vue à l’œuvre l’autre matin. Pourtant la dernière semaine de classe s’annonçait des plus réjouissante comme chaque année mais un petit garçon en gardera un tout autre souvenir, je peux en témoigner.
Elle, toute mignonne avec sa robette à fleur et ses cheveux blonds tel un ange tombé du ciel discutait avec son camarade d’école tout mimi lui aussi et tout sympa avec ses grosses lunettes et son cartable jaune et vert. Comment imaginer que cet ange blond, du haut de ses cinq-six ans, était une graine de psychopathe.
Ils discutent gentiment sur le trottoir d’en face. Le gamin a des cartes de collection. Elle argumente pour qu’elle puisse tenir en main l’une d’elle. Lui, réticent mais bonne pâte, la lui donne en lui disant qu’il veut bien la lui prêter. « Mais tu me la redonnes, hein ! ».
Elle, manipulatrice extraordinaire, l’engage dans un jeu qui lui sera fatal ! «Alors, tu fermes bien les yeux. Tu ne les ouvres pas avant que je te le dise ! ». Il ferme bien les yeux. J’assiste, incrédule à la manœuvre !
Elle s’éloigne, d’abord à pas de loup, puis court vers l’entrée de l’immeuble où elle habite probablement. Alerté par le bruit de ses pas, il ouvre les yeux, encore souriant, tout à son jeu ! Ne la voyant plus, il hoquette un « Mais, tu es où ? ». Il court et se retourne et cherche la perfide créature. D’un coup, ayant compris l’infamie, le sol se dérobe sous ses pieds, son visage se décompose, on dirait un Picasso. Puis, outré par tant de vilénie, il crache un désespérant et incrédule : « Mais, tu me l’as volée ! ».
L’innocence massacrée ! La confiance rompue. L’expérience de la trahison. Qui dit que l’enfance est insouciante. Le drame s’est déroulé au pied de mon jardin et j’ai mal pour lui.
Je lui indique la direction de sa fuite, la porte de l’immeuble mais il y a tant d’appartements ! Il revient bredouille et pleure à chaudes larmes. Je voudrais bien le consoler mais que dire ? Je n’ai pas trouvé de mot, je me sens toujours aussi démunie face à la méchanceté pure, par contre je prévois un déménagement.
Evelyne Sottas
©Evelyne Sottas